CHAPITRE 7

Les trois femmes partirent d’un bon pas sous la pluie battante. Magda s’en voulait d’avoir laissé durer si longtemps les hostilités entre elles. Le petit visage triangulaire de Jaelle était caché par son capuchon, mais Magda crut y distinguer la pâleur de la colère.

Camilla marchait près d’elle, lugubre et silencieuse, leurs pieds clapotant dans les flaques et leurs capes claquant au vent. La place du marché était vide, transformée par la pluie en un lac sur les rives duquel se dressaient, fantomatiques, les échoppes bien fermées.

— Elle n’est pas là. La boutique du sellier est fermée, dit Camilla. Rentrons, Jaelle, ça peut attendre à demain.

— Je sais où habite le sellier.

Tournant les talons, Jaelle se dirigea vers une ruelle obscure. Échangeant un regard résigné, Camilla et Magda la suivirent.

Magda avait envie de secouer Rafaella à la faire claquer des dents. Et elle était furieuse contre Jaelle, qui, par amitié pour Rafaella, se ruait dans la Vieille Ville à cette heure indue.

Le vent glacial transperçait leurs capes et se faufilait dans leurs cous. Magda envoya une pensée à Keitha, qui chevauchait hors les murs. Mais Keitha devait être maintenant bien au chaud dans une maison, près d’un bon feu qui chauffait l’eau pour l’accouchement. Magda n’avait jamais eu le moindre désir d’être médecin ou même sage-femme, mais au moins, Keitha savait ce soir où elle allait et ce qu’elle ferait en arrivant. Et Magda ne pouvait pas en dire autant !

Jaelle s’arrêta devant une maisonnette délabrée, dit quelques mots à la personne qui répondit à la cloche, et, au bout d’un moment, une grosse femme parut à la porte.

— Mais c’est notre petite Jaelle, qu’est devenue bien grande maintenant ! Oui, ton associée t’a laissé une lettre, et je l’ai rapportée à la maison ; j’avais peur qu’on la mette dans un coin où j’la retrouverais pas. Bon, alors, où est-ce que je l’ai mise ?

La femme fouilla dans ses vastes poches, comme une chouette ramassée sur elle-même pour lisser ses plumes.

— Ah, voilà – non, c’est la commande de Dame d’Amato pour sa nouvelle selle. Ça – oui, nous y voilà, chiya. Tu ne veux pas rentrer avec tes amies, pour te réchauffer près du feu, avec un bon verre de cidre et du gâteau, comme autrefois ?

Elle lui tendit une feuille crasseuse pliée en quatre et scellée à la cire rouge.

— Non, merci. Il faut que je tâche de rattraper Rafi avant qu’elle ait pris trop d’avance, dit Jaelle, se détournant, les lèvres pincées.

Elle essaya de parcourir la lettre, mais il faisait trop noir.

— Par ici.

Camilla saisit Jaelle par les épaules et la pilota vers une flaque de lumière s’échappant de la porte d’un débit de vin au coin de la rue. L’endroit bourdonnait de conversations, bondé de mercenaires et de Gardes ; certains saluèrent Camilla d’un signe de tête ou de quelques mots, mais aucun n’essaya de faire obstacle à la grande emmasca qui conduisit ses amies au fond de la salle. Une grosse lampe se balançait au-dessus de la table. Jaelle ouvrit la bouche pour protester, mais Camilla la calma d’un mot.

— Je suis connue ici. Personne ne nous importunera. Assieds-toi et lis ta lettre, Shaya.

Elle salua de la tête la serveuse potelée qui s’approchait vivement.

— Juste du vin chaud et de la tranquillité, Chella.

Camilla jeta une pièce sur la table, et la femme s’éloigna pour remplir sa commande.

— Elle ne paye pas de mine maintenant, dit-elle à Magda, mais tu aurais dû la voir il y a dix ans. Elle avait la peau blanche comme de la crème, et le cou le plus doux que j’aie jamais essayé de mordre. Des cheveux qui lui tombaient jusqu’aux reins, et d’une couleur… qui donnait envie de les couvrir d’argent. Et elle le savait, tu peux me croire. Mais c’est une brave fille malgré tout.

La femme, revenant avec le vin chaud, pouffa et effleura doucement la main de Camilla. Camilla lui sourit en disant :

— Une autre fois, Chella. Mes amies et moi, nous avons à parler. Veille à ce qu’on ne vienne pas nous tenir compagnie, veux-tu ?

Jaelle rompit le sceau et avança sa lettre sous la lampe. Elle se mit à lire, fronçant les sourcils, et dit enfin :

— Elle est folle à lier.

Elle jeta la lettre à Magda.

À regret, Magda prit la feuille et lut :

 

Chère Shaya,

 

Voilà assez longtemps que j’essaye de te convaincre de revenir travailler avec moi. Maintenant, il est temps de cesser d’en parler et de passer à l’action. Je laisse ce message à notre ancienne boîte aux lettres, pour te rappeler le bon vieux temps, mais il s’agit d’une affaire sérieuse. Nous aurons peut-être même l’occasion de faire cette expédition spéciale dont nous parlions. Le lieutenant Anders croit qu’elle se sert de moi pour la grande découverte qu’elle pense pouvoir faire, mais en fait, c’est le contraire. Mais je lui en donnerai pour son argent, et toi aussi.

Tu te rappelles la légende que Kindra nous racontait quand nous étions petites ? Sur la cité secrète des Heller, où une ancienne Sororité veille sur l’humanité ? Il y a une possibilité que ce ne soit pas qu’une légende. La légende disait, tu te rappelles, que si on arrivait à trouver son chemin jusqu’à cette cité et qu’on soit suffisamment vertueux, les sœurs vous enseigneraient toute la sagesse de l’univers. Je me soucie comme d’une guigne de la sagesse, et je ne suis sans doute pas assez vertueuse pour être qualifiée.

Ce pourrait être une aventure dangereuse, mais les légendes sont toutes d’accord sur un point : les sœurs n’interfèrent pas, ou n’ont pas le droit d’interférer dans les affaires humaines, et si on les trouve, leurs lois leur interdisent de tuer. Leur cité est censément pleine de cuivre, d’or et d’antiques livres de sagesse. On dit que toute la sagesse des cristoforos vient d’eux, mais que les cristoforos n’en connaissent qu’une petite partie. Pourtant, tout le monde prétend que les cristoforos sont les gardiens de toute la sagesse du monde !

Je n’ai pas besoin de te dire ce que je vais faire. La Terrienne veut des informations pour le Q.G., qui, pense-t-elle, la rendront célèbre. Quant à moi, je m’intéresse uniquement à toutes ces pièces de cuivre et d’or. Oublie la sagesse. Si je trouve cette cité et que j’en revienne, je te garantis que j’aurai autre chose à montrer que de vieux bouquins et de belles paroles. Mais j’ai besoin de ton aide. Je ne peux pas faire ça toute seule, et il n’y a plus beaucoup de sœurs de la Guilde sur qui je puisse compter, à part toi.

J’ai besoin de provisions, de vêtements ultra-chauds, de quelques chevaux et bêtes de bât supplémentaires. Essaye de persuader deux sœurs de se joindre à nous – pas des saintes nitouches comme Doria ou Keitha, mais des filles qui savent voyager, vivre à la dure, et suivre les ordres. Et quoi que tu fasses, ne cours pas prévenir Margali ! Pour une fois, ma chérie, garde quelque chose pour toi. N’oublie pas ta vieille associée – et amène tous les chevaux et les provisions que tu pourras trouver. Le voyage sera dur, mais, crois-moi, il en vaudra la peine. Pense à rendre ta fille indépendante de son père, même si elle est Comyn !

Je t’attendrai trois jours à l’endroit où nous avions dû égorger les chervines avec Kindra. Ne me laisse pas tomber ! Mets-toi en route immédiatement, pour que nous puissions atteindre la Kadarin avant le mauvais temps.

Je te connais, et je sais que tu as la nostalgie du voyage. Je t’attendrai, ma Sœur de Serment ! Je t’embrasse.

 

Rafi.

 

Magda jeta la lettre sur la table et prit la chope de vin chaud que la serveuse avait posée devant elle.

— Ce n’est pas Rafi qui est devenue folle, c’est Lexie Anders, dit-elle.

— Toutes les deux, sans doute, dit Camilla.

Elle prit la lettre et dit, regardant Jaelle :

— Tu permets ?

— Je t’en prie.

Camilla lu la lettre en émettant de petits grognements dédaigneux. Elle dit enfin :

— Des légendes ! Pourquoi ne pas partir à la recherche de la Cité Cachée, celle où des fruits confits poussent sur des arbres en pain d’épices… Je croyais que Rafi avait plus de bons sens.

— Elle va au-devant de problèmes terribles, dit Magda. Bien sûr, c’est Lexie Anders qui en portera la responsabilité, mais ça ne veut pas dire que Rafi s’en sortira indemne. Même si un tel endroit a jamais existé…

— Il existe peut-être toujours, dit inopinément Jaelle, et Magda se tourna vers elle.

— Tu n’as jamais dit ça quand Callista et moi parlions des étranges leronyn de certaines parties du Surmonde…

— À dire vrai, Magda, je n’avais pas fait le rapport entre les deux. Je ne m’étais jamais représenté les Sœurs de la Sagesse en longues robes noires entourées d’appels de corbeaux. Quand j’étais petite, la première fois que j’ai entendu parler de la Sororité à la Maison de la Guilde, je me demandais si elles venaient de la Cité Cachée. Kindra m’en a parlé une ou deux fois en voyage – c’était une cité habitée par des femmes pleines de sagesse, peut-être descendantes des prêtresses d’Avarra. On dit que la cité est située sur une île, ou y était située autrefois, quand le climat était différent d’aujourd’hui. Et que si on la trouvait, les sœurs devaient vous laisser entrer. Elles peuvent vous dire tout ce que vous voulez savoir – comment faire fortune, si c’est ce qui vous intéresse, ou comment trouver la sagesse, si tel est le but de votre vie, si c’est vraiment ça que vous recherchez. Kindra disait qu’elle avait connu des femmes qui y étaient allées, alors, il ne m’est jamais venu à l’idée que c’était une légende. Si on met toutes les histoires ensemble, il y a peut-être quelque chose de vrai. Ça ne veut pas dire que je croie cet endroit accessible.

D’après Kindra, elles feraient n’importe quoi pour empêcher qu’on les trouve. N’importe quoi, sauf tuer ; Camilla a raison sur ce point. Et si on les trouvait vraiment, elles étaient obligées… oh, ça n’a pas de sens ; je n’imagine pas pourquoi les Terriens iraient se mêler de ça, et, même dans l’affirmative, ce que Rafi aurait à y faire !

Magda dit, la mort dans l’âme :

— J’ai bien peur que tout ça soit de ma faute. Je crois que Lexie ferait n’importe quoi pour me supplanter, pour laisser sa marque dans le Renseignement, par un exploit que je ne pourrais pas égaler. Je jure que je n’ai jamais eu l’intention de devenir une légende ; je ne recherchais même pas la gloire ! Elle m’a accusée de tout accaparer, et de ne rien laisser pour les autres…

— Elle est folle, dit Camilla. Tu as fait ce que les circonstances exigeaient. Si elle n’arrive pas à comprendre que tu n’es pas en concurrence avec elle…

C’était quelque chose de très différent qui troublait Jaelle.

— Si elle fait ça, Rafaella se fera blackbouler par les Terriens. Elle ne travaillera jamais plus pour eux. Et qu’arrivera-t-il au Lieutenant Anders, Magda, si elle s’obstine malgré l’interdiction officielle ?

— Le mieux qu’elle puisse espérer, c’est d’être expédiée hors-planète, dit Magda. Au pire, elle pourrait être radiée du service, et ce serait bien fait. À moins qu’elle ne fasse une découverte si spectaculaire pour la Carto et Explo qu’on ferme les yeux sur sa désobéissance aux ordres – et c’est sans doute ce qu’elle espère. Ça s’est déjà vu dans l’histoire du service. Peter m’a dit qu’elle pensait à cette expédition, mais je lui ai dit que c’était pratiquement impossible, même avec toutes les ressources de l’Empire Terrien derrière elle.

— Et à l’évidence, dit Camilla, elle ne les a pas. C’est sans doute aussi bien. Les Terriens ne sont pas les bienvenus dans les Heller, et une grosse expédition ne trouverait rien du tout. Mais une demi-douzaine de femmes, bien approvisionnées, avec de la chance et du beau temps, pourraient réussir. Kindra disait toujours qu’elle aimerait tenter l’aventure, Jaelle, mais quand elle t’a prise comme pupille, elle a attendu que tu grandisses, et elle est morte avant que l’occasion ne se présente.

Au bout d’une minute, Camilla ajouta :

— Rafaella doit le savoir ; c’était sa cousine. Mais je suis étonnée qu’elle emmène une Terrienne pour un tel voyage.

— Pas moi, dit Magda. Les Terriens ont les ressources, les cartes, l’argent et ainsi de suite, pour monter une telle expédition. Si, depuis tant d’années, Rafaella n’a trouvé personne, même à la Maison de la Guilde, pour tenter l’aventure, ça ne m’étonne pas qu’elle ait sauté sur l’occasion quand une femme de l’Empire la lui a proposée. Ce qui m’étonne, en revanche, c’est que Lexie entraîne Jaelle dans cette tentative. À ta place, je demanderais des preuves qu’il s’agit d’une réalité, et pas seulement d’une vieille légende.

Mais Lexie avait-elle pu fournir davantage de preuves que ce que Magda avait vu dans son esprit ? Soudain horrifiée, Magda réalisa qu’elle était jalouse ; qu’elle pensait : les Terriens n’auraient pas dû interdire cette expédition ; ils auraient dû me la confier, à moi, Magdalen Lorne ! Après tout, elle était la première femme à avoir été en mission secrète sur Ténébreuse. Si une opération de cette importance se préparait, quel droit avaient-ils de laisser Lexie s’en charger ?

Magda fut choquée de ses pensées. C’était cela même qui avait provoqué l’hostilité de Lexie Anders. Et loin de lancer Lexie à la recherche excitante d’une cité légendaire, Peter Haldane lui en avait expressément refusé l’autorisation.

Mais était-ce bien sûr ? Peut-être que rappeler Magda, avec l’interdiction émanant du bureau du Légat de se lancer dans ces recherches, serait la couverture parfaite pour les effectuer.

Et était-ce seulement moral de la part de Magda, qui avait prêté serment à la Guilde, d’aider des Terriens à trouver le secret féminin le plus jalousement gardé de Ténébreuse ?

Non, c’était insensé, elle ne faisait qu’ajouter foi aux absurdes allusions de Marisela à une sororité mystérieuse et à des secrets cosmiques.

— Je ne sais pas pourquoi je m’inquiète, dit-elle. C’est impossible. Suicidaire. Même avec de la chance et du beau temps – et ni l’un ni l’autre n’est facile à trouver dans les Heller – c’est impossible.

Et même si c’était possible, même si Cholayna l’avait convoquée pour lui demander de partir, elle aurait refusé.

— Totalement impossible, répéta-t-elle, d’un ton qu’elle voulait convaincu.

— Pour ça, je ne sais pas, dit Camilla. En supposant que Kindra avait raison et qu’un tel endroit existe – si quelqu’un a jamais réussi à l’atteindre, cela peut se refaire. Mais je ne crois pas que Rafi puisse réussir. Toi, oui, Jaelle. Ou moi, autrefois. Mais j’ignore si tu en aurais encore le courage, après sept ans de vie facile à Armida.

Magda dit avec colère :

— Là n’est pas la question, non ? Bien sûr, c’est ce que Rafi cherche à faire, t’attirer à partir avec elle, t’entraîner dans les problèmes qu’elle et Lexie suscitent pour tout le monde. Elle compte sur ta fidélité et ton amitié. Elle pense que tu t’élanceras à sa suite, comme tu as poursuivi Alessandro Li quand il est parti seul dans les montagnes. Alors, elle t’aura récupérée, et c’est ce qu’elle cherche…

— Je croyais que tu ne la considérais pas comme une rivale, Magda. Tu veux que je la laisse partir seule, pour affronter toutes les difficultés des Heller et peut-être la mort ?

— Donc, tu vas faire ce qu’elle veut.

— Elle a été mon associée pendant des années. Mais tu n’as aucune raison de me suivre, Magda.

— Tu crois que je vais te laisser partir toute seule, ce qui provoquera des tas de problèmes avec les Terriens, en plus…

Elle s’interrompit devant les yeux flamboyants de Jaelle. Elle la regarda bien en face et dit :

— Mais ce n’est pas la question, hein ? Tu as envie de partir, non ? Tu as envie de reprendre la route, et n’importe quel prétexte est bon.

— Magda – tu ne comprends pas… soupira Jaelle. Je n’ai aucun droit de désirer partir. Mais ça me rend folle de penser que Rafi est libre de voyager, et pas moi. De plus…

— Tu es libre de faire tout ce que tu crois devoir faire, dit Magda, réalisant avec désespoir que les pensées de Jaelle faisaient presque écho aux siennes. J’aurais dû être franche avec Lexie. J’aurais dû lui parler de mon expérience concernant ces apparitions. Qu’elles soient réelles ou non, ou qu’elles appartiennent à un autre plan d’existence, si j’avais partagé mes connaissances avec elle, si je lui avais dit pourquoi et comment je les avais rencontrées, peut-être qu’elle aurait compris…

Maintenant, Magda avait l’impression de comprendre : Lexie, comme elle, avait vu ces sœurs mystérieuses en robes noires, qui leur avaient tendu la main pour les secourir, elle et Jaelle. C’étaient elles qui avaient renvoyé Lexie à Thendara, comme elles leur avaient envoyé des secours… Elle savait que Camilla n’y croyait pas, mais elle avait vécu cette expérience, et pas Camilla. Mais Lexie avait eu le courage de partir à leur recherche, et pas elle.

— La légende est très spécifique, dit Camilla avec ironie. Quiconque les cherche et n’est pas qualifié pour les connaître regrettera de les avoir trouvées. Je ne crois pas que le désir de richesses de Rafi soit une qualification suffisante. Rafi pourra peut-être faire suffisamment illusion pour entrer dans leur cité. Mais pas pour en sortir.

— Vous ne comprenez donc pas ? dit Jaelle, les yeux brillants. Ces deux-là ne sont pas qualifiées pour cette quête.

— Et nous le sommes ? Allons, Shaya…

— Je suis sûre que tout cela n’est pas une coïncidence, argua Jaelle. En tout cas, Rafaella a fait appel à moi pour assurer la réussite de son expédition. Elle me demande de la rejoindre avec des chevaux, des provisions, des vêtements chauds… je ne peux pas la laisser tomber.

— Et… peut-être que si je peux dire à Lexie ce que je sais, elle aura plus de chance de réussir.

Magda hésita.

— Et je peux me procurer des informations auxquelles elle n’a pas accès, des informations classées, le peu qu’on sait sur la région des Heller au-delà de Nevarsin…

Pourtant, tout au fond d’elle-même, Magda savait que Lexie n’interpréterait pas ainsi sa présence. Pour Alexis Anders, cette tentative bien intentionnée pour l’aider dans ses recherches ne serait rien de plus que la Légende Lorne se dressant de nouveau sur sa route.

Sapristi, Lorne, y a-t-il une seule chose sur cette planète dont tu ne te mêles pas ?

— Vous vous aveuglez toutes les deux, dit Camilla, ironique, et pourtant, vous vous sentez toutes les deux appelées vers cette cité mystérieuse. Quant à moi – mes motifs sont parfaitement clairs.

Elle les foudroya du regard et poursuivit :

— J’irai jusqu’à cette mystérieuse Cité des Sorcières, mais au moins, je ne m’aveugle pas sur mes raisons. Ces femmes sont censées vous dire pourquoi vous êtes nées et…

Elle les regarda, défiant quiconque de la contredire.

— Et j’ai de bonnes raisons de questionner le Destin. Si la Déesse a exigé de moi que je souffre ce que j’ai souffert, n’ai-je pas le droit d’exiger de la Déesse, ou de ces mystérieuses femmes, qu’elles me rendent compte de ma vie ? Je choisis de rechercher cette mystérieuse cité, et de demander à la Déesse pourquoi elle a fait de moi son jouet.

Et malgré le ton à la fois coléreux et désinvolte de ces paroles, Magda savait qu’elles étaient une menace. Dans toute confrontation de ce genre, Magda savait que Camilla aurait le dessus.

Jaelle repoussa sa chaise, fourra sa lettre dans la poche de son pantalon et dit :

— Quand partons-nous ?

Magda eut l’impression d’être happée par une excavatrice, du genre qui transforme une colline verdoyante en une aire plate et stérile où construire un astroport. Jaelle n’avait jamais pris ses protestations au sérieux. Pourtant, elle avait essayé, essayé honnêtement, d’évaluer les tenants et les aboutissants de la situation. Mais était-ce bien vrai ?

— Elle a dit qu’elle attendrait trois jours, dit Magda. Demain matin, j’irai au Q.G. chercher des cartes au Renseignement ; j’ai accès aux photos satellites et à l’ordinateur pour les agrandir.

— Moi, je m’occuperai des chevaux et des vivres, dit Camilla. J’ai des contacts que vous n’avez pas.

Et les enfants ? pensa Magda. Pourtant, la veille encore, elle se demandait pourquoi plus rien ne lui semblait digne de son énergie. Elle se surprit à se remémorer un vieux dicton terrien : Prends garde à tes prières, elles pourraient se réaliser.

La pluie avait cessé quand elles sortirent de la taverne. Magda considéra l’horizon, où se dressaient les pics en dents de scie des Monts de Venza. Une petite lune se levait juste au-dessus d’un sommet.

Elles partiraient par là, puis mettraient le cap au nord, passeraient la Kadarin et s’enfonceraient dans les profondeurs des Heller, jusqu’à Nevarsin et au-delà. Elle n’était jamais allée si loin en territoire inconnu. Avec leur longue expérience de guides de montagne, ses deux compagnes organisaient déjà le voyage.

S’il était une chose qu’elle avait apprise en quittant la Maison de la Guilde pour la Tour Interdite, c’était bien de ne jamais penser qu’elle était installée dans la vie et sa voie définitivement tracée devant elle. Écoutant Camilla, qui parlait de la difficulté de trouver des chevaux assez endurcis pour la montagne, elle réalisa qu’elle aussi, elle fouillait mentalement dans sa mémoire, pour sélectionner les vêtements chauds dont elle aurait besoin bien avant d’atteindre les Heller.

La Cité Mirage
titlepage.xhtml
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_027.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_028.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_029.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_030.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_031.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_032.html
Zimmer Bradley,Marion-[Tenebreuse-09]La Cite Mirage(1984).French.ebook.AlexandriZ_split_033.html